Droit Ouvrier
Vers un nouveau statut social attaché à la personne du travailleur ?
mardi 27 octobre 2015 , par Sabine Ferry
Le numéro 807 d’octobre 2015 du Droit Ouvrier, revue juridique de la CGT, est consacré à l’examen de l’influence du rapport Au-delà de l’emploi, sur les réformes récentes en matières d’assurance-chômage, de formation professionnelle et de couverture complémentaire santé. Chercheurs, syndicalistes et avocats y confrontent leurs opinions.
Un groupe de chercheurs d’origines nationales et disciplinaires diverses s’est penché, à la demande de la Commission européenne, sur les transformations actuelles du travail et de l’emploi. Objectif : identifier les possibles évolutions, articuler le droit avec les nouvelles pratiques sociales.
Dirigé par Alain Supiot, juriste spécialiste du droit social et de l’État social, actuellement professeur au collège de France, ce travail collectif a permis la réalisation d’un ouvrage : Au-delà de l’emploi, dit « rapport Supiot », publié il y a une quinzaine d’années*.
Le collectif s’est notamment donné pour tâche de rechercher les principes d’une nouvelle protection sociale indexée sur la vie de travail et la liberté dans le travail, et non plus seulement sur l’emploi et la subordination, considérant que « le modèle fordiste d’emploi salarié ne peut plus constituer le cadre exclusif de la sécurité économique des travailleurs dans le monde à venir, on est conduit à envisager cette sécurité au-delà de l’emploi et à remettre le travail au centre de la réflexion et de l’action politique et syndicale. »
La notion d’« état professionnel des personnes », est ainsi portée par Alain Supiot, qui estime que raisonner en termes de travail plutôt que d’emploi incite à concevoir un droit du travail salarié, qui prend en considération toutes les formes de travail qu’un homme ou une femme est susceptible d’accomplir au cours de sa vie. Un droit attaché à la personne, depuis sa formation initiale jusqu’à sa retraite.
La CGT revendique depuis vingt ans un statut social attaché à la personne : un « nouveau statut du travailleur salarié » et une « sécurité sociale professionnelle ».
Comme le rappelle Eric Aubin, dirigeant de la CGT, « nous gardons toujours à l’esprit que 7 millions de salariés changent de situation chaque année, ce qui amène certains d’entre eux à se retrouver dans des situations de précarité. Une sécurité sociale professionnelle et le nouveau statut du travail salarié permettraient de construire un socle de droit commun pour les salariés, que que soit le secteur dans lequel ils travaillent. Or, le constat effectué depuis des années est que les droits n’appartiennent pas aux salariés, mais à l’emploi. Ainsi, lorsque le salarié quitte un emploi, il repart à chaque fois à zéro. »
Le numéro 807 d’octobre 2015 du Droit Ouvrier est donc consacré à l’examen de l’influence du rapport Au-delà de l’emploi sur les réformes récentes en matières d’assurance-chômage, de formation professionnelle et de couverture complémentaire santé. Chercheurs, avocats et syndicalistes, dont Eric Aubin, Jean-Christophe Le Duigou, Jean-Pierre Chauchard, Émilie Videcoq, Alain Supiot, Marianne Keller Lyon-Caen... ont été réunis pour débattre de ces thématiques. Après un échange général avec Alain Supiot, chaque thème donne lieu à un article dans le Droit Ouvrier. (Voir le sommaire en PDF ci-dessous)
Pour se procurer les numéros de Droit ouvrier :
CGT, Abonnement au Droit Ouvrier, 263, rue de Paris, Case 432,
93514 Montreuil Cedex
Site internet du Droit Ouvrier
* A. Supiot, Au-delà de l’emploi. Transformations du travail et devenir du droit du travail en Europe, Rapport pour la Commission européenne, Paris, Flammarion, 1999, 321p.
Nouveau statut du travail salarié.
La proposition de la Cgt pour la conquête d’un Nouveau Statut du Travail Salarié a comme objectif essentiel de combattre les inégalités d’accès aux droits sociaux les plus fondamentaux qui existent entre salariés, en gagnant de nouveaux droits. Cette action repose sur cinq grandes transformations des rapports entre les salariés et leur travail, leur statut et leur employeur.
- La première transformation porte sur le statut du travail.
- La deuxième transformation porte sur le statut du salarié.
- La troisième transformation porte sur une véritable évolution professionnelle.
- La quatrième transformation porte sur la transférabilité des droits sociaux.
- La cinquième transformation porte sur le maintien du contrat de travail entre deux emplois.
- Le NSTS est donc bien un vaste chantier où chaque « corps de métier » à toute sa place
pour le construire à partir de ses spécificités et en cohérence avec tous les autres « corps de métier »…
Aujourd’hui, un peu partout en France des « chantiers NSTS »
sont ouverts.
Notre ambition est de vous les faire partager.
Nouveau statut du travail salarié.
Une proposition qui s’adresse à toutes et à tous.
Le NSTS s’adresse à tous les salariés, quelle que soit leur situation (emploi, chômage, formation etc.), qu’ils soient salariés du privé, fonctionnaires ou contractuels de la Fonction publique.
Car en dépit de la diversité des préoccupations suivant les secteurs, les problématiques d’ordre général restent les mêmes, y compris dans la Fonction publique. Selon un rapport de la DARES datant de mars 2002, 16% des agents de la Fonction publique travaillent sous contrats de courte durée englobant les CDD contractuels, auxiliaires, vacataires, CES/C. La même étude indique qu’entre 1990 et 2002, la part d’emplois courts dans la Fonction publique s’est accrue de 5 points (vs + 3 points dans le privé).
Dans la même période, 20 % des salariés en contrat court ont accédé au statut de fonctionnaire, alors que 27 % des précaires du privé sont passés en CDI.
En moyenne, les non-titulaires représentent : | |
---|---|
Fonction publique territoriale : | 19% |
Fonction publique hospitalière : | 13,2% |
Fonction publique d’État : |
12,5% |
Fonction publique territoriale, + Fonction publique hospitalière, + Fonction publique d’État. |
Catégorie A en % | Catégorie B en % | Catégorie C en % |
Titulaires | 27,8 | 24,1 | 48,1 |
Non-titulaires | 21,3 | 24,5 | 54,3 |
Pour les non-titulaires ayant un CDD d’une certaine durée, la requalification en CDI (il s’agit d’une création récente) est possible. Ainsi, au lieu de régulariser les précaires dans le statut des fonctionnaires (droit commun), cette nouvelle forme de « statut » contribue à multiplier les situations face à l’emploi accentuant la division parmi les personnels. Voilà pourquoi, à travail égal correspondent plusieurs « situations statutaires » assorties de plus ou moins de garanties d’emploi. Pour un même travail, le salaire est inégal et les perspectives dites de carrière ne sont pas comparables.
Il faut également savoir que le statut de fonctionnaire confère la titularisation dans le grade et non dans l’emploi. En conséquence, les suppressions de services et de postes entraînent des déplacements de personnels (mutations imposées). Selon les grades, les spécialités, les mutations ou suite à suppression d’emploi, ces déplacement se traduisent par un changement de service dans la même ville ou par un poste à plusieurs centaines de kilomètres, le refus du nouveau poste entraînant une démission sans aucune compensation.
Si l’insécurité dans le travail est une réalité pour tous les non-titulaires, elle affecte aussi de nombreux titulaires pour différentes raisons.
Pour en savoir plus: https://www.cgt.fr/-Nouveau-statut-du-travail-salarie-.html